Vous trouverez ici tous les ingrédients pour faire un roman d'espionnage : Une jolie fille qui sert d'appât, des hommes qui jouent la comédie du grand amour, des vraies passions amoureuses, des vols de papiers, de la strychnine, une fusillade, un cadavre coupé en morceaux, des disparitions, des cambriolages, des planques, des filatures, des tueurs à gages, de vrais espions. Il manque peut-être les courses de voitures pour faire un film ou, plutôt, des films car le sujet est dense.
Mais il ne s'agit pas d'un roman. Il s'agit de rendre hommage à des révolutionnaires victimes de Staline. Le contexte est celui des procès de Moscou et des grandes purges en URSS, de la guerre civile en Espagne, des fronts populaires comme nouvelle politique imposée par Staline aux partis de la IIIème internationale pour trahir la classe ouvrière. Staline a dit ouvertement que la révolution socialiste n'est plus sa politique. Il défend l'ordre bourgeois dans tous les pays capitalistes. Pourtant, les militants des partis communistes lui font encore confiance et les trotskystes font ce qu'ils peuvent pour leur ouvrir les yeux. Ils construisent la IVème internationale proclamée par Trotsky quand Hitler a pris le pouvoir à la suite de la politique de division imposée par Staline au KPD (Parti communiste allemand). Trotsky veut organiser une conférence de fondation de la IVème internationale en rassemblant les principaux leaders du trotskysme. Mais, Staline a entrepris d'éliminer Trotsky, les trotskystes et le trotskysme. Ils les éliminent tous en URSS à la suite des procès de Moscou mais il faut aussi qu'il leur fasse la chasse en Europe occidentale.
Il faut qu'il élimine aussi les espions russes de la première génération. Ils connaissent beaucoup de choses, trop de choses. Il les rappelle à Moscou mais beaucoup se méfient et quelques-uns font défection. Parmi eux, certains, comme Orlov, sont déjà compromis dans la chasse aux trotskystes en Espagne. Certains rejoindront les forces réactionnaires. Mais, l'un d'eux, Ignace Reiss, est resté fidèle aux idéaux révolutionnaires de sa jeunesse. Il décide de rejoindre les trotskystes. Ce sera une cible prioritaire pour les tueurs de Staline.
Evidemment Staline vise aussi, et avant tout, Trotsky lui-même et son fils Léon Sedov. Ce dernier fait partie des victimes. Quand il est éliminé, le SI (Secrétariat Internationale) qui est la direction de l'internationale siégeant en Europe est réduite, dans les faits, à quatre hommes : Pierre Naville, Jean Rous, Erwin Wolf et Rudolf Klement. Les deux derniers seront aussi des victimes de Staline. Ils avaient été tous les deux des secrétaires de Trotsky.
Ce sont ces quatre assassinats perpétrés en 1937 et 1938 (Ignace Reiss, Léon Sedov, Erwin Wolf et Rudolf Klement) que je raconte dans ce livre mais j'évoquerai aussi, dans le dernier chapitre, d'autres crimes. Après avoir assassiné Trotsky lui-même, Staline a liquidé un autre secrétaire de Trotsky en 1942 : Walter Held. Celui-ci croyait qu'avec un visa de transit en bonne et due forme il pourrait traverser la Russie pour se rendre de Suède en Amérique. Il ne prendra jamais le train pour Odessa, comme prévu, après être atterri à Moscou.
Pendant la guerre de nombreux trotskystes ont été pris entre deux feux dans les pays sous occupation. Ils luttaient contre les occupants mais ils étaient menacés par les staliniens au sein même de la résistance et cela tout particulièrement dans les maquis. Ce fut le cas en Italie mais c'est surtout en Grèce que les trotskystes ont été pris sous les feux conjugués des staliniens et de divers occupants que ce soit pendant l'occupation ou pendant la guerre civile qui a suivi. Ce sont des centaines de trotskystes qui ont été ainsi assassinés en Grèce. Les victimes de Staline furent moins nombreuses en France mais il y eut aussi bel et bien des meurtres de trotskystes dans un maquis contrôlé par les staliniens. Il fallait rendre hommage à toutes ces victimes et faire connaître le plus possible toutes ces vérités trop souvent cachées.